Évaluation d’impact sur la santé: (pas) une solution de rechange à l’évaluation de la durabilité
Nov.. 2010Évaluation d’impact sur la santé
Forum Daniel Wachter. La promotion de la santé et le développement durable ont de nombreux points communs. Une promotion de la santé au sens large, incluant également les conditions de vie des personnes, tient compte des déterminants de la santé qui coïncident dans une grande mesure avec les postulats d’un développement durable tels que le Conseil fédéral les a consignés dans sa stratégie ad hoc en 2008. La promotion de la santé et le développement durable suivent également un principe éthique similaire, celui de promouvoir la qualité de vie de toutes les personnes, donc y compris des moins favorisées.
Dans les débats internationaux sur la durabilité, les questions de santé sont omniprésentes et, comme l’a montré la Conférence mondiale de l’UIPES sur la Promotion de la santé qui s’est tenue du 11 au 15 juillet 2010 à Genève sous le titre «Santé, Équité et Développement durable», l’inverse se vérifie aussi.
Si, à l’initiative de certains cantons et conformément à une proposition ad hoc dans le projet de loi sur la prévention, on parle de plus en plus en Suisse de l’introduction d’une Évaluation d’Impact sur la Santé (EIS) permettant de faire une analyse précoce de l’impact sur la santé des projets politiques, les représentant-e-s du développement durable devraient se réjouir, car cela signifierait la création d’un instrument qui soutient également leurs aspirations.
Pourtant, la prudence s’impose, car la Suisse dispose, depuis plusieurs années déjà, d’un instrument similaire, l’Évaluation de la durabilité (EDD), qui est de plus en plus utilisé. Or, les utilisations ont démontré que l’EDD peut parfaitement refléter les aspirations de la promotion de la santé. Donc, si l’EIS vient s’ajouter au dispositif existant, il faudrait que ce soit dans un environnement dans lequel d’autres évaluations d’impact doivent se situer (p. ex. évaluation d’impact de la réglementation, analyse environnementale stratégique, évaluation de l’impact énergétique, examen de la compatibilité générationnelle, examen de la compatibilité territoriale). Si chacune de ces évaluations d’impact peut se justifier au niveau des différents politiques, au final, on risque de se trouver devant une surenchère politique, et susciter des contre-réactions à l’égard de l’évaluation d’impact prospective d’une manière générale.
Confrontée à une situation comparable dans son domaine de compétence, la Commission européenne a pris, il y a quelques années, une décision probante: elle a abrogé toutes les évaluations d’impact sectorielles au profit de ce qu’elle a nommé l’étude d’incidences (Impact Assessment) qui, si l’on considère les critères d’examen, correspond largement à une EDD. Actuellement, la Suisse n’envisage pas d’agir en ce sens, laissant ainsi planer le risque d’une multiplication des évaluations prospectives.
Fondamentalement, je pense donc que nous devrions plutôt nous concentrer sur les instruments existants, notamment sur l’EDD. Bien sûr on ne peut, d’un point de vue du développement durable ainsi qu’il a été montré en introduction, rien opposer à une EIS, ne serait-ce que pour des raisons conceptuelles. Mais si cette dernière devait se vulgariser en Suisse, décision qui appartiendra aux politiques, nous devrions nous efforcer d’harmoniser au plus juste les champs d’intervention, d’éviter les doublons autant que faire se peut et d’entretenir un échange d’expériences aussi étroit que possible. En effet, compte tenu de leurs points communs conceptuels et méthodiques, l’EIS et l’EDD peuvent offrir toutes deux un grand intérêt.
Daniel Wachter
Chef de section Développement durable
Office fédéral du développement
territorial (ARE)